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DE L’HOMME.

cœur de l’auteur ? Et, supposé qu’elle y fût, pourquoi ne l’eût-il pas donnée ? Peu d’hommes, je l’avoue, ont une si bonne opinion de leurs lecteurs, et si peu d’eux-mêmes. Si cet écrivain eût plus long-temps médité le mot vertu, il eût senti qu’elle consiste dans la connoissance de ce que les hommes se doivent les uns aux autres, et qu’elle suppose par conséquent la formation des sociétés. Avant cette formation, quel bien ou quel mal faire à une société non encore existante ? L’homme des forêts, l’homme nu et sans langage, peut bien acquérir une idée claire et nette de la force ou de la foiblesse, mais non de la justice et de l’équité. Né dans une île déserte, abandonné à moi-même, j’y vis sans vice et sans vertu ; je n’y puis manifester ni l’un ni l’autre. Que faut-il donc entendre par ces mots vertueuses et vicieuses ? Les actions utiles ou nuisibles à la société. Cette idée simple et claire est, à mon sens, préférable à toute déclamation obscure et ampoulée