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vrai, il faut quelque effort et quelque fatigue d’attention ? l’homme de bon sens est aveugle : privé de passions, il se trouve en même temps privé de ce courage, de cette activité d’ame, et de cette attention continue qui seules pourroient l’éclairer. Le bon sens ne suppose donc aucune invention, ni par conséquent aucun esprit : et c’est, si je l’ose dire, où le bon sens finit que l’esprit commence[1].

Il ne faut cependant point en conclure que le bon sens soit si commun. Les hommes sans passions sont rares. L’esprit juste, qui, de toutes les sortes d’esprit, est sans contredit l’espece la plus voisine du bon sens, n’est pas lui-même exempt de passions. D’ailleurs les sots n’en sont pas moins

  1. On voit que je distingue ici l’esprit du bon sens, que l’on confond quelquefois dans l’usage ordinaire.