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style, qu’il n’est de juges de la beauté des idées. Un écrivain poli, comme Malherbe, doit donc avoir des succès plus rapides qu’étendus, et plus brillants que durables. Il en est deux causes : la premiere, c’est qu’un ouvrage traduit d’une langue dans une autre perd toujours dans la traduction la fraîcheur et la force de son coloris, et ne passe par conséquent aux étrangers que dépouillé des charmes du style, qui, dans ma supposition, en faisoient le principal agrément : la seconde, c’est que la langue vieillit insensiblement ; c’est que les tours les plus heureux deviennent à la longue les plus communs, et qu’un ouvrage enfin, dépourvu, dans le pays même où il a été composé, des beautés qui l’y rendoient agréable, ne doit tout au plus conserver à son auteur qu’une estime de tradition.