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que chacun d’eux se croiroit autant d’esprit que Corneille. Nous sommes, par la vanité et sur-tout par l’ignorance, tellement nécessités à nous estimer préférablement aux autres, que le plus grand homme dans chaque art est celui que chaque artiste regarde comme le premier après lui[1]. Du

  1. Aucun art, aucun talent, ne mérite la préférence sur un autre, qu’autant qu’il est réellement plus utile, soit pour amuser, soit pour instruire. Les comparaisons qu’on en fait dans le monde, et les éloges exclusifs qu’on leur prodigue, ne déterminent jamais la préférence qu’on voudroit leur faire obtenir ; attendu que ceux avec qui l’on en parle et l’on en dispute sont toujours intérieurement bien décidés à n’accorder cette préférence qu’à l’art ou au talent qui flatte le plus l’intérêt de son penchant ou de sa vanité. Et cet intérêt ne peut être le même dans tous les hommes.