Et moi, du vrai bonheur la source intarissable,
Qu’à la Félicité le destin immuable
Attacha de tout temps par le plus doux lien,
J’habite ce palais, et ce trône est le mien.
Elle dit ; et mon œil, à travers cent nuages,
Ne vit plus qu’un amas de confuses images :
Mon songe disparut. Je vis qu’à chaque instant
Les arts consolateurs, plaisir indépendant,
Nous ouvroient du bonheur la source incorruptible ;
Que de goûts différents plus l’homme est susceptible,
Plus un mortel en peut rassembler dans son cœur,
Et plus il réunit de rayons du bonheur ;
Que l’étude lui fait braver les injustices ;
Peut seule, en l’occupant, le dérober aux vices ;
Et dans un cœur enfin qu’ils n’ont point corrompu
Achever le bonheur qu’ébauche la vertu.
Du monde, dis-je alors, j’éviterai l’ivresse :
Dans le sentier fleuri que m’ouvre la Sagesse
Je veux porter mes pas, résolu d’y chercher
Des plaisirs que le sort ne pourra m’arracher,
Trop doux pour me troubler, assez vifs pour me plaire ;
De passer tour-à-tour du Parnasse à Cythere,
Et d’être en mon printemps attentif à cueillir
Les fruits de la raison et les fleurs du plaisir.
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