Le bonheur n’est pour vous que l’absence des maux.
Sans doute qu’endormi dans un parfait repos
Le sage, inaccessible a l’amour, à la haine,
Riche dans l’indigence, et libre sous la chaîne,
Porte indifféremment la couronne ou les fers.
Sous l’égide stoïque, à l’abri des revers,
Ce mortel doit jouir d’un calme inaltérable :
Que l’univers s’écroule, il reste inébranlable.
Apprends, dit la Sagesse, à le connoître mieux :
Qui feint d’être insensible est toujours orgueilleux.
Comment peux-tu, trompé par son dehors austere,
Prendre pour sage un fou, superbe atrabilaire,
Qui, sensible aux plaisirs, les fuit pour éviter
Le danger de les perdre et de les regretter ;
Qui recherche par-tout la douleur et l’injure
Comme les seuls creusets où la vertu s’épure ;
Qui, toujours préparé contre un mal à venir,
Se façonne à l’opprobre, et s’exerce à souffrir ;
Foule aux pieds la richesse, et, bravant la misere,
Se dévoue aux rigueurs de son destin contraire ?
Livrant aux passions de stériles combats,
Vois ces fous insulter aux plaisirs qu’ils n’ont pas,
S’enivrer des vapeurs de leur faux héroïsme ;
Apôtres et martyrs d’un morne zénonisme,
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