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Il se trompe lui-même, et, sourd à sa raison.
Croit donner une idée, et ne forme qu’un son.
Dans les sentiers obscurs d’une science vaine
Falloit-il perdre un temps que la raison humaine,
Aux premiers jours du monde, auroit employé mieux
À rechercher le vrai qu’à se créer des dieux ?
Folle en un esprit faux, éclairée en un sage,
Locke, qu’elle anima, nous en montre l’usage.
Choisissons-le pour maître, et qu’en nos premiers ans
Il guide jusqu’au vrai nos pas encor tremblants.
Locke n’atteignit point au bout de la carriere,
Mais sa prudente main en ouvrit la barriere.
Pour mieux connoître l’homme il le prend au berceau,
Il le suit de l’enfance aux portes du tombeau,
Observe son esprit, voit comment la pensée
Par tous nos sens divers est dans l’ame tracée,
Et combien des savants les dogmes imposteurs,
Combien l’abus des mots, ont enfanté d’erreurs.
D’un bras il abaisse l’orgueil du platonisme,
De l’autre il limita les champs du pyrrhonisme,
Nous découvrit enfin le chemin écarté
Et le parvis du temple où luit la Vérité.
Pénétrons avec lui sous sa voûte sacrée.
Mais quels monstres nombreux en défendent l’entrée !