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avait reçu. Pour comprendre le désordre que sa chute jeta dans l’histoire, il faut préciser le caractère des deux parties du monde. L’Orient représente le don gratuit, l’eau vive que le Seigneur donne, la lumière qui vient d’en haut. L’Occident représente le travail, l’effort de la créature, le libre arbitre, le mérite.

Voilà pourquoi l’Orient, dans sa chute, est plus anéanti, plus impuissant, plus nul que l’Occident. C’est que l’Orient ne possède que le don de la lumière ; quand il ne l’a plus, il n’a rien. Il ne porte d’autre fardeau que la lumière ; quand il ne la porte pas, il ne porte rien. Il ne sait qu’adorer, contempler, prier, offrir sur le grand autel l’universalité des choses, dans l’unité du principe : quand il ne fait plus cela, il ne fait rien. L’aigle, sans ailes et sans regard, chargé de faire le métier de la taupe, ne sait pas, comme elle, creuser la terre.

L’Occident a des ressources, des expédients, de l’habileté, de l’entregent, du savoir-faire. Aussi il dissimule ses chutes, et s’agite avec assez d’habileté pour se persuader qu’il travaille. Il remue au fond de son trou, pendant que l’Orient dort au fond de son abîme. Les rêves de l’Occident endormi sont des intrigues de salon. L’Orient endormi prononce dans ses songes le nom de Bouddha. L’Occident, oublieux de l’être et du néant, se noie dans le devenir avec tapage, vanité, sottise et bavardage. L’Orient se trompe sur l’être