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le sien, mais souillés et vaincus avant le combat par la tache qu’ils portaient. Annibal sentait au fond de lui les fureurs de l’Orient indigné qui regardait grandir la force brutale, invincible, persévérante, implacable, la force froide des fils de la louve. Voilà la raison profonde de cette haine surhumaine qui avait sa source plus haut que ne l’a cru Tite-Live. Ce n’était pas son foyer, ce n’était pas sa patrie, ce n’était pas sa famille, ce n’était pas ses droits qu’Annibal défendait contre une cité conquérante. C’étaient les souvenirs de l’Orient qu’il voulait protéger contre les lois des Douze Tables. Mais l’impureté le rendit faible et Annibal fut vaincu, car l’amour déchu avait pris en lui la forme de la haine, et jamais la haine ne donnera la victoire à l’Orient. Les célèbres délices de Capoue, dont les historiens ont tant parlé, représentent une de ces pierres qui se trouvent sur la route de ceux qui doivent tomber. Cette parole : tu sais vaincre, Annibal, mais tu ne sais pas profiter de la victoire, exprime la situation de ceux qui ont gardé l’ardeur, en gardant les souvenirs, mais qui ont perdu la sagesse en perdant la pureté.

Les grandes races qui ont dégénéré prennent les deux caractères qui leur conviennent le moins, et qui contredisent le plus directement leur type : elles deviennent efféminées et rusées. Tous leurs sentiments, jusqu’à la haine, viennent s’éteindre dans leur mollesse. Capoue fut l’indigne écueil que