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par le malheur, et complètement ignorante de son but et de sa route. Alors elle constate ses maux, sans en chercher le remède, et la parole humaine n’est plus qu’une plainte. On est fatigué de l’ancien rire, on est fort éloigné de la joie, on se lamente et on appelle de ses cris la chose sans nom qui ne répond pas. Aussi le désir romantique renonce-t-il à toute satisfaction, présente et même future : il est l’acceptation musicale du désespoir organisé ! On cherche, on ne trouve pas : on ne s’en étonne pas trop, car ce qu’on cherchait n’existe pas. On sait qu’on ne trouvera pas ; on cherche encore, on appelle, rien ne vient ; on est dégoûté de ce qu’on voit. On demande autre chose, mais quoi ? on n’en sait rien, on se drape là-dedans et voilà le vague des passions. Le romantisme est le désir de l’Infini destitué de celui qui est Infini.

Le romantisme est un essai de mysticisme sans Dieu.

Le romantisme est une passion qui commence par déclarer que son objet n’existe pas.

Aussi l’époque du romantisme a-t-elle dû être marquée par plusieurs tentatives de religions nouvelles.

Aux époques de découragement, l’homme incline vers l’adoration de la nature. Affamé d’adoration, et ignorant du monde invisible, il se jette sur le monde visible et lui dit : sois Dieu. Puis, comme ce Dieu n’est pas Dieu, l’homme s’irrite, il adore et maudit alternati-