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LES SABLES MOUVANTS



Tous ceux qui ont la parole s’étonnent de l’inconstance humaine ; je ne sais pas pourquoi. Il serait vraiment étrange que l’homme déchu fût constant. C’est un effort de la Vérité et de la Puissance que de le fixer. En dehors de la Vérité et de la Puissance, comment s’étonner si la ruine branle ? Nous sommes une ruine avide de sa reconstruction. Tantôt nous croyons tenir le secret de la solidité, et nous nous précipitons sur nous-mêmes, afin de nous reconstruire suivant le plan que nous venons d’apercevoir, tantôt nous sentons branler l’édifice fragile au premier vent qui passe, et l’outil nous tombe des mains, et nous renonçons, et nous pleurons ; et après avoir pleuré, les plus faibles, incapables de porter le sérieux de la douleur, se mettent à rire. Mais quel rire que le rire de l’homme qui a renoncé à la joie ! C’est une des formes les plus tristes du sanglot humain !

Écoutez le charivari des derniers siècles ; voyez comme le rire et les larmes se mêlent, et se ressemblent et se succèdent, et s’interrompent et se confondent à la fois !

L’homme a perdu la foi ; il pleure : voilà Rousseau. Trop léger, et d’ailleurs trop bas pour porter le sentiment de son malheur,