Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séparer les mondes, vous planterez la Croix sur la terre nouvelle.

Ce sont là, mon enfant, des paroles creuses ; permettez à un homme plus âgé que vous, de vous le faire observer. Vous savez que j’aime les arts, et que je respecte la religion, mais je n’aime pas les saints et les hommes de génie : les uns et les autres vont trop loin, ils exagèrent continuellement.

L’Europe en a déjà fourni assez et même trop, ils ne sont bons qu’à agiter le monde. Quelle folie d’aller là-bas, au risque de vous casser le cou, grossir le nombre des rêveurs ! Prenez garde, mon enfant, vous allez devenir ridicule. Croyez à la sincère affection qui me dicte les paroles que je vous adresse. Je ne puis vous cacher le regret que j’éprouve quand je vois perdu, dans les songes creux d’un orgueil insensé, un jeune homme pour qui je me plaisais à rêver un meilleur avenir.

Oui, mon enfant, j’ai le cœur navré, quand je vois que vous allez de porte en porte mendier des secours qu’on vous refuse. Qu’avez-vous fait de votre dignité ? L’honneur de votre famille a été sans tache jusqu’à ce jour.

N’avez-vous donc plus d’amour-propre ?

L’amour-propre, mon enfant, est le gardien de la dignité, et pour un homme bien né, la dignité est ce qu’il y a de plus précieux. Sans doute (car je ne veux rien exagérer), il ne faut pas avoir trop d’amour-propre, l’excès en tout est un défaut, mais il faut en avoir un peu, et, si vous continuez, vous me ferez