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moment il vous pénètre et vous oppresse. Il n’est ni ici, ni là ! il est dans l’air qu’on respire. Les autres auteurs, qui ont essayé le même genre, vous présentent un personnage fantastique, un fait fantastique ; mais, dans leurs œuvres, les autres personnages, les autres faits ne le sont pas. Le fantastique est parqué dans un cercle déterminé : le reste se passe dans le domaine des choses naturelles. Le contraire arrive à Hoffmann : il voit des faits naturels à travers une atmosphère fantastique : le fantastique n’est pas toujours dans l’objet ; il est toujours dans l’œil : aussi plane-t-il partout. Les personnages les plus innocents sont à craindre ; ils pourraient être des fantômes : dans ces auberges où l’on est attablé pour boire de la bière, tous les meubles sont suspects : vous n’osez pas regarder sous les chaises. Hoffmann a la triste puissance de rendre une maison obscure en plein jour. Il est le roi de l’ombre. Il écarte la lumière et la franchise de la lumière. Le vieillard qui est là, accoudé sur la table et se chauffant les pieds sans avoir l’air de penser à mal, a vu et fait des choses effrayantes.

L’introduction d’une horreur mystérieuse dans les détails les plus familiers, donne aux œuvres d’Hoffmann une espèce de vraisemblance affreuse. On dirait que, dans ces domaines, les fantômes ont droit de cité, et qu’il faut les coudoyer sans étonnement. Les enfants mêmes, dans le monde d’Hoffmann, les enfants sont à craindre ! Tout lui semble