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entre le monde visible et le monde invisible. Mais Dieu seul sait la voie qui mène à lui : il n’a dit qu’à l’Église le secret sacré. Pour reprendre la route de Dieu, le XIXe siècle n’avait qu’à se jeter dans les bras de l’Église. Mais comme il avait le désir sans avoir la lumière, et la curiosité sans avoir la sagesse, il chercha Dieu par des routes étrangères, par des routes tracées de main d’hommes, il chercha Dieu par le caprice, parodia le mystérieux au moyen du bizarre, et rencontra l’épouvante au lieu de rencontrer la paix.

Toute passion mène aux abîmes, sans excepter la passion de l’infini.

La passion est un amour ténébreux. L’amour et l’ordre s’éclairent l’un l’autre. L’amour sans ordre meurt dans l’obscurité ; il meurt comme amour, et donne naissance à la passion, rage aveugle, sourde et muette, qui passe comme une trombe et détruit tout sur sa route, tout, et surtout les choses qu’elle croyait aimer. En général, les passions sont fatales à leur objet. L’amour qui devient passion équivaut à la haine : or la passion peut s’appliquer à tout, et quand elle s’applique au désir de savoir, elle ruine la vraie connaissance ; cet amour illégitime de la connaissance s’appelle la curiosité. La curiosité veut connaître pour connaître, sans aimer la lumière, et sans la servir. Fille de l’esprit propre et avide du fruit défendu, la curiosité, toujours dangereuse, est d’autant plus dangereuse, qu’elle porte plus haut ses regards in-