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résie choisit dans la vérité. Elle fait une religion à son usage, mais elle a rarement la franchise de déclarer son intention et de nommer son procédé. Cette franchise, Gœthe l’a eue, et après l’avoir eue, il l’a caractérisée. Ecoutez-le parler de Rome :

« Ce jour-là, dit-il, nous vîmes, dans l’église de Saint-Pierre, le Pape, à la tête de tout le clergé, présider au service divin sur son trône ou à l’autel. Ce spectacle est unique dans son genre. Il ne manque ni de pompe ni de dignité. Mais j’ai déjà vieilli dans mon cynisme protestant. »

Si l’isolement donnait sa formule, je lui porterais le défi solennel de la donner plus exacte et plus naïve !

« Je me fis une religion à mon usage ! » Et quelle croûte Gœthe s’était-il donc placée sur les yeux, pour n’avoir pas vu que la religion faite par un homme pour son usage particulier ne peut pas servir à cet usage ? N’est-ce pas exactement la théorie et la pratique de l’idolâtre qui adore un morceau de bois taillé, qui adore l’œuvre de sa main ?

Voilà pourquoi ce philosophe éthéré, qui demande dans une de ses lettres une religion plus sublime et plus pure que la religion catholique, priait, au soleil levant, la statue de Jupiter. Voilà aussi pourquoi M. Renan constate le fait sans étonnement.

C’est qu’il s’est fait, lui aussi, une religion à son usage. Et toutes ces religions particulières contiennent des éléments disparates.