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Comme homme, il est l’expression vivante du panthéisme. Il le regarde comme le principal ressort de la machine du monde, il étudie ce ressort en lui-même et dans ses relations avec les autres ressorts, il étudie le jeu de tout le mécanisme avec une froide curiosité : voilà Gœthe savant. Comme artiste, il personnifie les forces de la nature qu’il a analysées comme savant ; comme artiste, il les met en scène ; ayant dépouillé les personnes de leur valeur morale, il ne peut plus les considérer que dans leur beauté matérielle : voilà Gœthe poète. Cet homme, si admirablement doué pour admirer la beauté invisible, perd ce sens qui était le sien par excellence, et rencontre la limite qu’il était destiné à franchir. L’indifférence de Gœthe penseur et savant conduit Gœthe artiste au culte exclusif de la beauté matérielle. Voilà par quelle route cet homme, qui se regardait comme l’incarnation de l’avenir, voilà par quelle route cet homme en est venu à adorer Jupiter. Il est intéressant d’entendre le même phénomène expliqué par M. Renan. »

« Païen par nature, dit-il, et surtout par système littéraire, Gœthe devait peu goûter l’esthétique, qui a substitué la gausape de l’esclave à la toge de l’homme libre, la vierge maladive à la Vénus antique, et à la perfection idéale du corps humain, représentée par les dieux de la Grèce, la maigre image d’un supplicié tiraillé par quatre clous. Inaccessible à la crainte et aux larmes, Jupiter était vrai-