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dans ses pensées métaphysiques. Hegel proclamait L’égalité et l’identité des choses. Gœthe proclame le même dogme, à force de tout mépriser : car si tout doit être confondu dans un même sentiment, ce sentiment-là sera le mépris. Si le mal n’est qu’un développement bizarre, mais nécessaire, du bien, le bien qui devient la raison du mal est méprisable comme lui. Aussi Gœthe, qui devait être le contemplateur, devient le contempteur universel.

Gœthe, en effet, méprise tout, lui qui devait être la demeure et le temple du respect. Impartial, il eût respecté ; indifférent, il méprise. Il raconte avec la même indifférence le bien et le mal qu’il a faits. Il n’a point de repentir, il n’a pas même de remords. Il semble regarder tous ses actes comme le développement nécessaire et Légitime de la même force : celle force, c’est le moi. Si la théorie du panthéisme méconnaît théoriquement la Liberté de l’homme, qu’il traite comme un des rouages de la machine universelle, la pratique du panthéisme méconnaît pratiquement la même vérité : or, le panthéisme pratique, c’est Gœthe, sa science et son art. Cet homme, si peu fait pour être ridicule, devient ridicule quand il se contemple. Il a l’air de se regarder comme le fils aîné du dieu Pan. Le Panthéisme étant la formule scientifique d’une doctrine dont le paganisme est l’expression poétique, je m’explique un fait qui pourrait paraître inexplicable : Gœthe était païen.