N’en connaissant pas le sens, il le contempla dans l’isolement, en le rapportant à lui-même. Son œil était fait pour voir haut et loin ; s’il eût vu juste, il aurait eu cette belle forme de la paix intellectuelle qui s’appelle l’impartialité. Mais ne vivant pas dans la lumière, et ne rapportant pas à l’unité les éléments multiples qu’il embrassait du regard, au lieu de l’impartialité, il eut l’indifférence qui en est la parodie.
Voici une coïncidence profonde qui n’est pas due au hasard.
Quel est le caractère général de cette philosophie allemande qui a enveloppé Gœthe sans le pénétrer intérieurement, qui a été son atmosphère, sinon son pain quotidien ? Le caractère général de cette philosophie est l’indifférence théorique. De Kant à Hegel, la philosophie allemande monte les degrés de l’indifférence qu’elle confond avec la sagesse, et sur le frontispice du temple achevé, elle pose la formule qui est l’expression même de l’indifférence absolue : l’être et le néant sont identiques.
Or que fit Gœthe ? Homme plutôt que philosophe, il fit passer dans la vie la formule hégélienne.
Il fut, dans l’ordre de la vie, ce que fut Hegel dans l’ordre de la science. Il regarda successivement et continuellement les hommes et les choses, et les choisit, et les traita dans ses actes, dans ses drames, dans ses vers, dans ses romans, comme Hegel les traitait