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la viande. Mais l’homme, en face du feu, mêle toujours un peu d’admiration et un peu d’amour à son plaisir physique. Son œil aime le feu. Le feu d’artifice aura toujours le privilège d’attirer la foule ; la foule courra toujours au feu, ou pour le combattre, ou pour l’arrêter, ou pour le regarder ; jamais elle ne lui sera indifférente. Le feu d’artifice lui donne le plaisir du feu, considéré seulement dans l’ordre du Luxe, dans l’ordre du Beau, et prodigué pour elle sans nécessité.

Quand le crime intervient, le goût du feu ne cesse pas ; il ne fait que se dépraver. L’adoration du feu est la plus vraisemblable des formes de l’idolâtrie. Quand le crime intervient, le feu d’artifice devient l’incendie de Rome : voyez Néron. Une bête féroce dévore l’homme : sa cruauté demeure dans le domaine de l’Utile. Mais l’homme, qui a droit au feu et droit à la Beauté, quand il devient féroce, a le privilège de pouvoir transporter le crime loin du terrain de l’Utile ; il a le privilège de commettre le crime, sans profit matériel, pour jouir du Beau. Néron, brûlant Rome, pour regarder le feu, atteste glorieusement et horriblement la noblesse et la déchéance de l’homme. Le tigre jouit de la proie qu’il dévore, mais il faut que ses dents la touchent. Il ne jouit pas de la proie brûlée.

La présence inopinée du feu cause un mouvement de joie à l’âme humaine : l’enfant qui voit l’étincelle sortir des cailloux choqués, sent quelque chose s’éveiller en lui ; un