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Il importe de distinguer avec soin l’art antique et l’art moderne, la tragédie antique et la tragédie moderne.

La tragédie moderne a remplacé Dieu par le sort et l’homme par le héros ; mais ni le sort, ni le héros, ne sont deux êtres vivants, ce sont deux abstractions commodes pour un homme qui fait des vers alexandrins.

Dans la tragédie antique, Dieu est remplacé par le destin ; mais ce destin n’est pas abstrait : il a, dans la pensée de l’auteur, une effrayante personnalité. Aussi l’erreur qui plane sur l’œuvre est-elle une erreur sérieuse, au lieu d’une erreur de complaisance.

C’est le sort qui poursuit l’Oreste moderne.

C’est le destin qui poursuivait l’Oreste antique.

Dans la tragédie moderne, le sort est ridicule.

Dans la tragédie antique, le destin était terrible.

Dans la tragédie moderne, nous regrettons l’absence de l’homme, parce que le héros, qui le remplace, ne nous satisfait pas complètement.

Dans la tragédie antique, l’homme a, jusqu’à un certain point, le droit de ne pas apparaître tout entier, parce qu’il n’est pas le sujet du drame : il n’en est pas l’acteur, il en est la victime. Les hommes de la tragédie antique sont conduits par des fils que tient le destin, et le vrai drame se passe dans l’Olympe.

Les personnages représentent encore des