mes ; il a ignoré toutes nos gloires. Ni les souvenirs, ni les regrets, ni les aspirations, ni les enthousiasmes n’ont d’écho dans son œuvre. Le vent des montagnes n’a pas soufflé sur lui : l’origine de l’homme ne l’a pas inquiété ; il n’a pas connu nos titres de noblesse ; il étale nos plaies et les déclare incurables. Son œuvre est le contraire d’une œuvre d’art. L’art délivre : Molière asservit.
Résoudre dans une harmonie supérieure les contradictions qui nous agitent, cette vocation glorieuse de l’Art, Molière ne l’a pas même soupçonnée. Il n’a pas même le soin de nier la lumière : il ignore qu’elle existe. Au lieu d’un sourire céleste, c’est un sourire moqueur qu’il nous laisse pour adieu. Le rideau tombe et nous n’avons pas vu l’arc-en-ciel. L’espérance, que Schlegel a nommée le caractère même et le signe distinctif de l’espèce humaine sur la terre, l’espérance n’a pas dit son mot.
Vous n’entendez pas non plus chez Molière l’expression du repentir. L’innocence même le connaît, par je ne sais quel reflet sympathique : une solidarité merveilleuse, en l’unissant aux coupables, lui permet des larmes, dont, sans le repentir, elle serait privée.
Le système tragique, disais-je au commencement de cette étude, n’a considéré l’homme qu’au point de vue d’une passion unique, isolée, abstraite ; la comédie, au lieu d’hommes, a peint des caractères. L’âme n’a pas été touchée.