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vait lui échapper nécessairement. Personne plus que lui n’a ignoré l’union entre deux natures. Son horrible amour est une des formes les plus hideuses de la haine, une anticipation de l’enfer éternel. L’amour, dans la comédie, quand il n’est pas la complicité de deux coquins, est la froide illusion de deux niais. Dieu est oublié, l’homme est dégradé, le ciel est fermé, la terre est placée ; on s’ennuie, on se trompe, le rideau tombe et tout est dit.

D’où vient que Molière est nul dans ses dénouements ? (Je crois que La Harpe en convient, mais je n’ai pas le courage de vérifier ; la vie est trop comte pour qu’on relise La Harpe.)

Molière est nul dans ses dénouements, parce qu’il n’a jamais fait à Dieu sa part et que le dénouement est la part de Dieu. Il a ignoré l’essence même du dénouement, c’est-à-dire l’invasion d’une pensée planant sur les faits, les ramenant à elle, les illuminant, les pacifiant, les transfigurant.

Molière a regardé toute sa vie des faiblesses isolées dont il ne cherchait pas la cause : jamais il ne s’est dit : Cet homme que j’observe est un être déchu. Il voit telle chute et telle chute ; il ne voit pas la chute en elle-même ; il en étudie, l’une après l’autre, les manifestations partielles ; il ne les pénètre pas, il ne les éclaire pas. Aussi, s’il a connu quelques caractères humains, il n’a jamais mesuré l’homme. Il n’a soupçonné ni nos hauteurs ni nos abî-