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extérieures, excepté une qui s’appelait une passion. La comédie a rendu à l’homme ses relations extérieures. Elle lui a restitué son caractère, mais elle a passé, sans la voir, à côté de son âme : son regard n’a pas porté si loin.

Le personnage qui se dresse en faisant une bravade, voilà le personnage de la tragédie ; le personnage qui se heurte contre les personnes et les choses de ce monde, voilà le personnage de la comédie.

Celui qui, le soir, se recueille de gré ou de force parce qu’il est un instant en face de lui-même, voilà l’homme.

Molière est-il dramatique ? Non. Le drame, c’est l’action. Quelle est en ce monde, pour nous la condition de l’acte ? C’est la lutte, la lutte de la nature et de la liberté. La personne humaine tend à son but à travers une route barrée ; les obstacles que la nature, dans le sens le plus large de ce mot, oppose à la liberté, voilà le sujet du drame, le principe de la contradiction. La comédie n’a opposé qu’une passion à une passion : l’Art, dans sa forme élevée, opposerait une passion à une idée. Le triomphe de la liberté humaine sur l’ennemi intérieur, voilà le dénouement, voilà la victoire. Tragédies et comédies ont oublié la loi unique de l’Art, qui est la loi de la victoire. La victoire est une harmonie achetée.

Que demandons-nous à l’Art ? Nous lui demandons la délivrance. Il nous élève au-dessus de notre état actuel. Il nous inspire le respect de notre âme, le désir, l’espoir de réaliser