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un amoureux de profession, un jeune premier (toujours pour parler la langue des théâtres, qui se moquent d’eux-mêmes), Britannicus ne fera qu’aimer. Il aimera fatalement, nécessairement : et son amour, parce qu’il sera isolé, sera abstrait. Narcisse n’étant pas un homme qui trahit, mais un traître, ne fera autre chose que trahir. Il trahira toujours, fatalement, inévitablement, depuis le premier mot de son rôle jusqu’au dernier. Donc sa trahison, pour être continuelle et nécessaire, sera abstraite. Notre indignation même s’éteindra devant les nécessités de sa position. Il a des devoirs à remplir envers le cothurne qu’il porte. Puisqu’il est le traître, que ferait-il dans ce vestibule, abstrait comme lui, s’il cessait un moment de trahir ? S’il livre à Néron les secrets de Britannicus, il livre aussi les siens au public avec une facilité extrême. Un vrai traître ne trompe bien les autres que parce qu’il se trompe lui-même au moins un peu : celui qui s’avouerait son rôle deviendrait incapable de le continuer. Narcisse, au contraire, nous confie son projet.

Et pour nous rendre heureux, perdons les misérables.

S’il était compliqué, c’est-à-dire humain, il se ferait illusion ; il aurait, au fond de sa noirceur, un autre sentiment derrière lequel il la cacherait. Mais il nous la montre, cette noirceur, parce qu’il n’a pas qu’elle à nous mon-