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L’envieux aimerait même à se proclamer l’obligé de celui qu’il ravale, parce que les bienfaits qu’il en aurait reçus enlèvent à son hostilité toute ressemblance, même lointaine, avec une vengeance quelconque.

Il prononce un discours plein de réticences et d’insinuations qui dit ou qui sous-entend ces paroles :

« Voyez à quel point l’homme dont je parle est mauvais, puisque moi-même, qui suis son obligé, vaincu par la force de la vérité, je fais de tels aveux ! »

Car il donne à son acte d’accusation l’apparence d’un aveu, retenu par la bonté et arraché par la franchise.

L’envieux ferait au besoin un grand éloge de la reconnaissance, quand il parle de son bienfaiteur, mais il ajouterait :

« Cependant je ne consentirai jamais à me laisser aveugler, fût-ce par des bienfaits. La justice l’emporte sur tout. Puisque cet homme est dangereux et malfaisant, je dois le dire : je dois faire abstraction de mes souvenirs personnels. »

L’envieux élève l’ingratitude à la hauteur d’un principe. Car tout envieux est ingrat. Tout ingrat est envieux.

L’envieux se sert de son ingratitude pour attester son indépendance, et il est condamné, par sa propre bassesse, à un esclavage perpétuel. Son infamie lui sert de carcan.

Il élève l’ingratitude à la hauteur d’un sacrifice. Il se sert de l’ingratitude pour faire