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sance particulière en une jouissance générale. Le second prend la jouissance de l’un et en fait la souffrance de l’autre. Quand on donne à Jean, Jacques croit qu’on lui prend quelque chose. Les hommes, au lieu de se considérer comme les membres d’un même corps, où chacun profite de tous, et tous de chacun, se regardent comme si chacun d’eux constituait une race à part, étrangère et hostile à la race juxtaposée. Cet esprit, qu’on appelle Envie, dans la nomenclature des péchés capitaux, est si subtil qu’il se glisse entre chaque fente. Il est si enveloppant qu’il embrasse le monde. Il est l’habitude des détails et l’habitude de l’ensemble. On dirait que nous sommes nés pour lui, il est si ordinaire qu’il passe inaperçu comme l’Avarice. Tel homme, scrupuleux du reste, travailleur spirituel, plein de conscience et vide de lumière, laisse en paix dans son âme l’Envie et l’Avarice, comme si elles avaient droit de cité.

Regardez d’abord les détails, chaque famille, chaque maison.

L’Envie dévore les frères, avant qu’ils sachent le nom de ce qui les dévore. Quand ils grandissent, l’Envie grandit. Semblable au ver solitaire, elle dévore la nourriture qui était destinée à l’homme. Les conquêtes intellectuelles et morales de l’envieux (car il peut en faire), au lieu d’agrandir son âme, agrandissent son Envie. Si l’Envie parodie le désir, elle parodie aussi l’humilité. L’envieux oublie ses qualités réelles, ses qualités à lui,