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fut poète, prophète et roi, plane sur les poètes. Mais la sainteté manque, et, avec elle, la ressemblance.

De tout ceci résulte un phénomène, qui est inouï dans les annales du monde ; car c’est une société où chacun veut absolument la place de l’autre, et où personne ne fait son ouvrage, parce que le temps et la force s’épuisent dans la lutte stérile de la compétition, au lieu de se dépenser dans la lutte féconde de la production. Or la lutte de la compétition diminue l’homme, parce qu’elle arrête son regard sur lui-même, au lieu de l’étendre sur toutes choses. La lutte de la production grandirait l’homme, parce qu’elle promènerait son regard et sa main loin de sa personne, à travers les lieux où il pourrait se perdre de vue.

Dans une société organisée, chacun ferait son œuvre en elle-même et en union avec l’œuvre des autres, et le plaisir de l’œuvre accomplie grandirait par le plaisir des autres œuvres accomplies. Chaque pierre jouirait de l’édifice, et l’édifice jouirait de chaque pierre. La beauté et la solidité du monument augmenterait la beauté et la solidité de chaque détail. Il y aurait concours, c’est-à-dire harmonie.

Dans une société désorganisée, il y a concours, c’est-à-dire rivalité. Le premier concours augmenterait toutes les forces ; le second les épuise toutes. Le premier concours transformerait toute jouissance générale en une jouissance particulière, et toute jouis-