les temps calmes, dans les jours d’autrefois, les genres de travaux étaient classés et délimités, chacun faisait sa fonction, sans s’inquiéter du voisin. L’auteur tragique, quand il avait fait sa tragédie, croyait avoir fait son ouvrage et ne songeait pas à gouverner. La sagesse prudente qui lui dictait des vers, et très souvent des vers de collégiens, lui interdisait toute autre fonction. S’il avait les inconvénients de la plaine où l’on marche sans monter, il en avait aussi les avantages. S’il ne rencontrait pas d’aigles, n’allant pas sur la montagne, du moins il ne rencontrait pas d’ours blancs. Maintenant le poète sent que la parole qui ne mène pas à l’action est un jeu.
Un mouvement magnifique en lui-même, mais presque toujours égaré dans sa direction, l’entraîne vers le désir d’entraîner les autres, et le poète veut conduire parce qu’il croit avoir le souffle. Celui qui sait, ou croit savoir, veut être le plus fort ; celui qui sent, veut agir ; celui qui conçoit, veut régir ; celui qui imagine et exprime, veut prévaloir. De là une conception de toutes choses plus haute et plus dangereuse. Qui dira, parmi ces poètes innombrables, quel est celui qui réellement doit conduire les autres ? Chacun croit à sa propre supériorité, personne n’accepte l’arbitrage de personne. La compétition universelle est pour chacun et pour tous un obstacle absolu à l’œuvre de chacun et à l’œuvre de tous. On dirait que le souvenir de David, qui