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nous sentons que l’homme en a besoin. Il est clair qu’il ne peut vivre de rien ; il est clair que Diderot et Voltaire ne rempliront pas son vide énorme ! L’homme a nié l’ordre naturel comme l’ordre surnaturel ; il sent le besoin de les affirmer tous deux. Plus il a goûté du Néant, plus il a faim de l’Être. Ayant rampé dans la boue de l’abîme, il ne se contente plus de la plaine, c’est la hauteur qui lui convient.

Aussi, ayant épuisé les autres choses, et ne voulant pas de celle-ci, le dix-neuvième siècle s’ennuie comme jamais avant lui aucun siècle ne s’était ennuyé. Feuilletez l’histoire : il y a des siècles qui ont voulu jouir, il y en a qui ont travaillé, il y en a qui ont cru, etc., etc. ; le nôtre rêve et s’ennuie. Il n’est donc pas loin de devenir féroce ou de tomber à genoux. Car qu’est-ce que l’ennui, si ce n’est la soif d’adorer ou de dévorer ?

Le dix-huitième siècle avait le goût du néant, il y demeurait et s’y plaisait. Le dix-neuvième siècle y demeure encore, mais ne s’y plaît pas.

Le dix-huitième siècle était dans son élément quand il était dans le vide. Le dix-neuvième siècle n’a pas encore fait l’effort qu’il faut pour soulever la cloche pneumatique ; mais au moins il étouffe, c’est déjà quelque chose.

Évidemment Dieu appelle. Il faut que l’homme reconnaisse sa voix et lui réponde. Il s’est tourné de tous côtés : avant d’en arriver à Dieu, il a essayé de tout. Il a essayé de