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tions ; par malheur, l’indifférence a aussi sa place en lui, mais elle n’est qu’à la surface. Les indifférents, d’ailleurs, n’appartiennent pas vraiment au dix-neuvième siècle ; ils sont l’écume et la bave du dix-huitième siècle ; ce sont des cadavres, pourris depuis cent ans, qu’on a oublié d’enterrer. Quant à nous, notre sommeil est léger et apparent ; nous avons entendu, depuis cent ans, bien des bruits qui réveillent ; au fond, nous avons peur et nous avons faim.

Plus l’homme se connaît, plus il se sent ayant besoin. L’homme d’il y a cent ans s’ignorait tout à fait. Il était endormi : pourtant il a eu soif dans son sommeil et il a bu du sang ! Voilà 93. Le besoin était au fond de l’homme : mais ce besoin pouvait le précipiter sur différentes routes. Si, pour se satisfaire, l’homme s’adresse à l’infini, il sera comblé et ne détruira rien. Si, pour se satisfaire, il s’adresse au fini qui n’a pas de quoi remplir son creux, il ne sera pas comblé, et il détruira tout ; et plus il détruira, plus il sera vide. L’homme, quand il a senti la soif, à la fin du dix-huitième siècle, a voulu du sang.

Au dix-huitième siècle, on pouvait croire encore que Marivaux était amusant ; il est avéré désormais que Marivaux n’est pas amusant.

On croyait, il y a cent ans, que l’homme pouvait vivre avec rien ; le dix-huitième siècle s’est passé de nourriture : maintenant