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elle adore, elle renie, elle s’enthousiasme, elle se moque ; elle va subitement de la présomption au désespoir, du désespoir à la présomption ; elle s’indigne contre les autres, elle s’indigne contre elle-même ; elle se vante puis se calomnie ; elle s’exalte et se rabaisse ; elle s’accorde tout, se refuse tout, se prodigue et se réserve, se livre successivement à tous les emportements les plus contraires, jusqu’à ce qu’elle tombe épuisée, ruinée, sans vie, sans souffle, lançant les dernières ruades de la bête féroce blessée ; et de tout cela que résulte-t-il ? Rien, absolument rien. On n’a fait que du bruit.

L’action, cependant, est calme, vise au but et l’atteint. Un homme saint qui fait un pas agit plus qu’une multitude passionnée qui se débat pendant la durée des siècles.

Ce qui manque toujours à la passion, c’est le temps. L’homme sage ménage le temps, l’homme passionné le dépense ; sa vie devient un chaos où, sans affaire et cependant sans trêve, il n’a ni le loisir de travailler, ni le loisir de se reposer.

La vérité est discrète. La passion, il importe de le remarquer, est à la fois bavarde et cachottière.

Pour pénétrer immédiatement dans la nature intime de la passion, il suffit de considérer qu’elle est, dans le sens étymologique du mot, l’erreur. L’erreur est l’état d’un homme qui, allant à un but, se trompe de route.

Or la passion est l’état d’un homme qui