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En effet, la passion ne fait rien. Elle défait, elle détruit.

Elle est le contraire d’une œuvre édifiante.

Pour agir, il faut se posséder. La passion pourrait être définie : la perte de soi-même.

La passion soustrait l’homme à la souveraineté de l’ordre et le place sous l’empire du caprice.

Sous l’empire du caprice, on peut bien se remuer, et même on se remue beaucoup ; mais on n’agit pas, on s’agite seulement. Celui-là seul édifie qui construit suivant les lois de l’équilibre ; les autres peuvent remuer, amonceler, placer, déplacer et replacer des pierres : ils ne bâtissent pas, la tour de Babel est là pour le prouver. La confusion règne partout ou règnent les passions. Jamais elles ne parlent : elles crient toujours.

Les actions sont des paroles vivantes que prononce, dans l’universel accord, la voix musicale de l’unité.

Les passions sont des hurlements que vocifèrent, comme dans un charivari, les voix discordantes de celui qui s’appelle Légion.

Ce qui caractérise l’action, c’est la fécondité. Ce qui caractérise la passion, c’est la stérilité. Rien de plus curieux que de voir combien de choses résultent d’une action simple, et combien de choses avortent, qui semblent devoir sortir d’une passion compliquée. La passion est inquiète, remuante, agitée, tracassière ; elle veut et ne veut pas ; elle interroge, elle s’interroge, elle doute, elle affirme,