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LES PASSIONS AU XIXe SIÈCLE



Tout l’homme est une maladie, disait autrefois Hippocrate, et il est très certain qu’on ne peut fixer les yeux sur la race d’Adam sans la trouver en souffrance. À quelque époque de l’histoire que remonte notre vue, à moins qu’elle ne remonte jusqu’aux heures de l’innocence, elle rencontre la douleur ; elle rencontre la passion, car elle rencontre les passions. Les langues humaines ont des beautés terribles : on dirait qu’elles gardent un souvenir confus des vérités qu’elles soupçonnent et qu’elles ne possèdent pas. Passion veut dire : souffrance. Passion veut dire : désir désordonné. Il semble que notre parole soit chargée de dire à notre âme pourquoi nous sommes tristes.

Quels sont en effet les hommes qui restent gais, qui restent jeunes ? Quels sont ceux qui, dans l’universel gémissement, sont restés dépositaires du secret de la joie ?

Ce sont ceux qui ont renoncé aux passions. Ceux-là sont demeurés dans le domaine de l’action.

La langue qui appelle du même nom le désir et la douleur et qui nous montre dans cette analogie une leçon si profonde, nous en donne une autre, quand elle signale entre l’action et la passion un contraste admirable.