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remment toutes choses et leur donne indifféremment un résultat heureux ou malheureux. Il a cueilli les fruits de l’arbre du bien et du mal. Il les mange tous les deux alternativement. Jamais la pureté radieuse des colères divines n’éclaire ses jours ni ses nuits.

Voici une remarque assez singulière.

Les noms des démons apparaissent à chaque page dans ses œuvres. Edgar, dans le Roi Lear, en a la bouche pleine.

Que signifie cette préoccupation de la part d’un homme comme Shakspeare ? Quand on nomme souvent les démons, il faudrait nommer encore plus souvent les anges. Shakspeare semble avoir une certaine science mystique qui se bornerait absolument à la mystique infernale. Il connaît les sorcières, il ne connaît pas les saintes. Il ne suffit pas, pour avoir le droit de nommer l’enfer, il ne suffit pas de dire : voilà le mal. Il faut avoir puisé dans les régions d’en haut la force nécessaire pour introduire dans l’âme un contre-poison totalement divin. Quand on est versé dans les secrets de l’abîme, il faut être encore plus versé dans ceux de la montagne. Mais non ; les fantômes et les apparitions dont Shakspeare est rempli sont nocturnes. Nocturnes dans leurs apparences, ils sont aussi nocturnes dans leurs effets. Ils déposent dans l’Âme une couleur sombre ; ils attristent ; ils épouvantent. Leurs effets premiers et leurs effets derniers sont la peur et la tristesse. Les exhibitions infernales sont stériles ; donc elles