Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et un peu plus loin :

« L’ingratitude de mes enfants ! N’est-ce pas comme si ma bouche déchirait ma main pour lui avoir porté sa nourriture ! Régane ! Gonérille ! votre vieux père dont le cœur sans défiance vous a tout donné ! Oh ! c’est de ce côté qu’est la folie ! Évitons-le ; n’en parlons plus. »

Lear sent sa folie ; il cherche à tourner la tête du côté opposé, il a sa raison, dès que sa pensée évite ses filles, mais sa tête se retourne d’elle-même : Régane, Gonérille l’obsèdent comme deux fantômes. Il les voit partout, et quand Edgar arrive à son tour, le roi l’apostrophe par cette question qui est le sublime de la folie :

« As-tu donc tout donné à tes filles ? En es-tu réduit là ? »

L’univers entier devient un miroir où le père trahi voit l’image de son malheur partout reproduite. Dans Edgar, comme dans tout malheur, il voit un père chassé par des enfants ingrats. Edgar parle et divague à dessein.

« Quoi ! répond le roi Lear, ses filles l'ont-elles réduit à cette extrémité. — N’as-tu pu rien garder ? Leur as-tu donné tout ? »

Et il maudit les filles d’Edgar.

Et Kent répond : « Il n’avait pas de filles, seigneur. » Mais le roi : « Traître, rien dans le monde, rien que des filles ingrates ne peuvent mettre un homme en cet état. Est-ce donc la coutume aujourd’hui que les pères