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La folie est la nudité de la fureur :

« Souffle, tempête, éclats, vents et tonnerre, je vous pardonne : vous n’êtes pas mes filles ! »

Voilà un des coups de foudre du génie humain, et le plus éclatant peut-être qui ait retenti sur la scène.

Et cependant le cinquième acte viendra, et avec lui l’abomination.

Quelque chose manque aux éclairs du troisième acte : l’azur n’est pas au-dessus d’eux. Cet orage est sans couronne. Il n’a pas de ciel au-dessus de lui. Si la sécurité était là, si nous pouvions avoir confiance dans le poète, quelle justice nous attendrions !

Mais la barque va au hasard, le gouvernail est brisé. Quels drames nous aurait donnés Shakspeare fidèle ! Qu’aurait donc été le temple, puisque voilà les ruines ?

« Éclate, feu ! jaillis, pluie ! Je ne vous accuse pas d’ingratitude : je ne vous ai pas appelés mes enfants ! »

Tous les mots du vieux roi fou ressemblent aux éclairs qui traversent la nuit dans la forêt. Tout est sombre, désespéré, éclatant et livide. Et quels déchirements ! Le fou du roi est là, près du roi fou. La folie grotesque et la folie terrible se touchent et se coudoient. La nécessité les rapproche, mais comme leur nature les distingue !

« Pauvre garçon, dit le roi à son fou : j’ai encore dans mon cœur une place qui souffre pour toi ! »