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qui ose mettre en scène un fou, s’oblige à chercher et à trouver dans le monde idéal, et non pas dans le monde réel, quelque chose qui ressemble à une folie typique. Il s’oblige à être terrible sans affectation, et absurde sans plaisanterie. Il s’oblige à rencontrer toujours des extravagances naturelles, redoutables, vraisemblables et sérieuses. Il s’interdit cette immixtion de l’élément comique au milieu des angoisses humaines, immixtion dont le romantisme avait voulu faire une loi. S’il heurtait contre cet écueil, il rencontrerait le fou officiel, le fou du roi, le bouffon de cour. Il s’interdit en même temps la raideur et l’emphase qui peuvent résulter d’une excitation continuellement sérieuse. Il est dans une des attitudes les plus difficiles à garder.

Le problème est compliqué ! Shakspeare l’a résolu.

La folie du roi Lear est dramatique, à cause de l’idée fixe et du sentiment réel, qui persistent dans le délire.

Voilà le secret, voilà la solution. La folie vague, purement physique et qui réclame seulement le médecin, est absurde et rien autre chose. Mais la folie qui a sa cause dans l’âme, peut trouver dans l’idée fixe qui l’a produite des secrets singuliers, des enseignements ou des terreurs d’un genre à part. La folie fait alors le même mouvement que le bras du roi Lear quand il déchire ses vêtements, en criant à tue-tête :

« Enlevez-moi ces apparences. »