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nature humaine que la folie peut être comique, et telle est la nature mystérieuse du rire qu’il peut côtoyer le désespoir. L’extravagance la plus lugubre peut produire le rire chez l’auditeur dans l’art et dans la vie réelle, et même chez l’auditeur désolé ; car le rire n’est pas du tout le compagnon de la joie : il se produit toutes les fois que la série naturelle des relations se brise, lors même que cette brisure est désolante. Quand la relation reprend ses droits et se fait sentir de nouveau, les larmes interviennent. Aussi le rire et les larmes peinent coexister, quand l’affection, le souvenir, la réflexion, la tendresse font revivre, entre les idées et les choses, les relations que la folie brise au même moment.

L’homme peut rire, parce que le fou a oublié la relation des idées et des choses. Il peut pleurer au même moment parce qu’entre le fou et lui la relation existe et se fait sentir. Il peut rire, parce que les choses sont brisées. Il peut pleurer au même moment, parce que les personnes restent unies, et le lien des âmes peut être d’autant plus sensible que la rupture est faite entre les intelligences. Et néanmoins, quand la folie entre dans le domaine de l’art, le rire serait fatal aux intentions du poète. Si, pour l’éviter, il arrange à dessein une folie théâtrale, c’est la terreur qui fait défaut, parce que la nature n’est plus là. Ici, comme partout, nous retrouvons dans l’art la loi qui lui interdit l’imitation, la reproduction, et qui lui ordonne la création. Le poète