Régane abrite sa dureté derrière la prudence. Elle trouverait dangereux de garder son père une seule nuit sous son toit, et cette nuit est une nuit d’orage, car la nature fait sa partie dans l’affreux concert.
Glocester. — Le roi est dans une violente fureur.
Cornouailles. — Où va-t-il ?
Glocester. — Il ordonne qu’on monte à cheval ; mais il veut aller je ne sais où. Cornouailles. — Le mieux est de lui céder. Il se conduira lui-même.
Le dernier mot n’est-il pas merveilleux ? Ils donnent à leur férocité les aspects de la complaisance, ils craignent de contrarier le vieillard ! Ils le laissent libre de partir !
Gonérille. — Milord, ne le pressez nullement de rester.
Glocester. — Hélas ! la nuit approche : un vent glacé agite l’air : à peine se trouve-t-il dans nos environs un petit arbre.
Régane. — Il faut bien que ces hommes opiniâtres reçoivent quelques leçons des maux qu’ils se sont attirés à eux-mêmes. Fermez vos portes. Il a avec lui des gens déterminés à tout. Il est facile à tromper : La sagesse nous ordonne de redouter tout ce que ses gens pourraient obtenir du vieillard en colère.
Il est facile à tromper ! le mot est admirable dans la bouche de Régane. Elle le sait très bien et profite de son expérience !
Cornouailles. — Fermez vos portes : mi-