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des Edouard, les historiens chevaleresques la transportaient. Sous la dynastie des Plantagenets, Arthur et la Table ronde faisaient les délices de la Grande-Bretagne. Du temps d’Elisabeth, ce fut le tour de l’Espagne, qui apporta ses Amadis et ses Palmerin. De mauvais livres italiens, traduits en anglais, faisaient fortune au même moment : les Gesta Romanorum étaient une collection de choses hétérogènes, où la décadence de l’Empire romain, les apologues orientaux, mille féeries et mille rêves, mêlés à des réminiscences chrétiennes, s’étalaient aux regards facilement éblouis. C’est là que le Marchand de Venise a trouvé son origine. Mais le mérite d’avoir fait Shylock appartient bien à Shakspeare ; il a créé le type de la méchanceté.

Une des formes du préjugé qui s’attache à Shakspeare, c’est l’oubli que, en vertu d’une convention universelle, on accorde à presque toute son œuvre. Cet oubli est une faveur, mais cette faveur est imméritée. On cite les cinq ou six drames qui, vus de loin, restent présentables ou à peu près, et on écarte d’eux tous les souvenirs indiscrets. Mais l’immense majorité de ses tragédies innombrables est cachée par l’injustice dans un oubli prudent. Si, par hasard, on prenait Cymbeline pour type de ces tragédies oubliées, on embarrasserait peut-être jusqu’à M. Hugo ; on lui demanderait le moyen d’admirer l’histoire de Posthumus et d’Imogène, et sa réponse ne serait pas sans intérêt. Posthumus, exilé à