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un désordre qui va jusqu’à la perfection. La Tempête et le Rêve d’une nuit d’été révèlent en lui l’existence d’un certain système féerique qui, tout en se rapprochant de la mythologie des Perses et de celle des Arabes, en diffère pourtant par quelques points.

La mythologie des Perses et des Arabes, appuyée sur la distinction des Péri et des Dives, ressemblait beaucoup à celle des Goths.

Comme les Perses et comme les Arabes, les Goths divisaient le monde surnaturel en deux parts : les bons esprits s’appelaient esprits luisants ; les mauvais, esprits basanés. La nuance qui les sépare est dans la prédominance de leurs caractères opposés. La mythologie orientale incline vers le luxe, la richesse, le repos, la gaieté. La mythologie septentrionale incline vers la mélancolie, la pauvreté et même l’horreur. L’invasion de l’Angleterre par les colonies Scandinaves, qui la fit très anciennement passer, à une époque peu connue de son histoire, sous la domination des Goths, Visigoths et Ostrogoths, explique l’introduction dans la Grande-Bretagne de cette mythologie. C’est à elle que la féerie shakspearienne semble se rattacher, quoiqu’elle ait subi, en passant par le poète anglais, toutes les modifications qu’une fantaisie particulière peut faire subir à une fantaisie générale. En général, Shakspeare n’a pas de préférence ; il adopte la chose qui se présente avec cette indifférence parfaitement froide, qui, de sa pratique, a passé dans la théorie moderne.