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Pour conquérir la science de ce qui est au-dessus, il faut plusieurs éléments supérieurs à l’intelligence. Il faut une clarté dans le regard qui pénètre ce qu’elle touche.

Il est facile au poète de créer un scélérat ; et même, s’il a l’instinct et la notion des choses d’en bas, un scélérat directement infernal. Il ne lui est pas facile de créer un saint. Il faudrait pour cela qu’il fût un saint lui-même, ou tout au moins qu’une profonde lumière et un désir habituel lui eussent donné sur la sainteté cette notion féconde qui vient de l’âme, et non pas seulement de l’intelligence ; qui vient de l’expérience, et non pas seulement de l’érudition. Le christianisme est essentiellement réfractaire à toute imitation, à toute contrefaçon. Pour le faire apparaître, il faut le connaître tel qu’il est ; car il ne ressemble à rien, et rien ne lui ressemble. Il est seul de son espèce, et toute conclusion tirée des autres choses devient fausse, dès qu’elle devient relative à lui.

Les choses qui, dans Shakspeare, ont l’intention d’être angéliques, tournent facilement à la mythologie. Ariel parle des nymphes. Les choses, au contraire, qui ont l’intention d’être infernales, sont souvent assez franches et assez bien trouvées dans cette direction-là. Il a sur l’enfer bien des idées justes. Sur le ciel, il n’en a guère que de fausses. On dirait qu’il rejoint la tradition chrétienne, quand il parle de crimes et de désespoir, mais qu’il est obligé de se réfugier dans le paganisme pour