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avec lui. Toutes ces odeurs épouvantables, toutes ces mixtures infernales, tous ces prodiges de la nuit noire, tout cela reste maître du terrain. Macbeth n’est pas définitivement vainqueur, et sa tête apparaît au cinquième acte, au bout d’une lance, mais les sorcières sont victorieuses. Elles trompent et ne sont pas trompées ; elles confondent et ne sont pas confondues. L’homme séduit par elles ne triomphe pas jusqu’à la fin. Mais elles triomphent jusqu’à la fin. Elles triomphent à la fois de Duncan et de Macbeth, du bon et du mauvais roi.

Elles triomphent à la fois par les succès de Macbeth et par ses revers, par ses crimes, par ses victimes, par ses terreurs, par ses triomphes, par sa royauté, par sa chute et par sa mort. L’homme trompé par l’enfer n’a pas le dernier mot dans l’œuvre de Shakspeare ; celui qui a le dernier mot, c’est l’enfer lui-même. L’homme méchant et corrompu est scélérat vis-à-vis des autres hommes, mais il est dupe lui-même vis-à-vis des sorcières. Ce sont les sorcières qui sont les personnes principales. Ce sont elles qui jouent le rôle que jouait le chœur dans la tragédie grecque. Elles représentent la chose affreuse qui fait mouvoir les acteurs du drame ; une sorte de fatalité personnelle et féroce incarnée dans un être plus méchant que l’homme, et abusant sur lui de cette supériorité.

Macbeth n’est qu’un instrument ; on voit bien son châtiment, mais on ne voit pas le