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délicatesses de la volupté infernale que ces raffinements d’horreur. Leur but est de produire l’émotion ; leur effet est d’endurcir le cœur.

Les cris et les pleurs qui remplissent ce drame vide et bruyant aboutiraient à une insensibilité morne.

Il ne faudrait pas juger Victor Hugo sur cette parole prononcée à propos de Shakspeare : J’admire tout comme un brute. Il ne faudrait pas non plus juger Shakspeare sur Roméo et Juliette. Le poète anglais a des éclairs éparpillés dans cinquante drames, et, au dessus de ces éclairs, il a le Roi Lear, qui contient de réelles beautés. Partout ailleurs, il a pris soin d’éteindre le feu sous la boue ; mais il a détesté l’ingratitude, et l’humanité ne l’oubliera pas.

La critique sévère peut passer pour dénigrante aux yeux de ceux qui ne la comprennent pas. Pour qui la comprend, elle est au contraire une œuvre de réhabilitation. La chose du monde la plus contraire à l’admiration, c’est l’idolâtrie. L’idolâtrie déshonore l’idole, elle lui enlève, en la faisant idole, la part d’admiration à laquelle elle aurait droit, si elle prenait un autre nom. L’idolâtrie, parce qu’elle confond les défauts et les beautés, fait tort à celles-ci, et réduit l’œuvre à ceux-là. L’idolâtrie marque un homme, elle le défigure. La critique, en signalant les défauts, permet d’apercevoir les beautés. Elle achète le droit d’admirer, en n’admirant pas ce qui n’est pas admirable. Idolâtrer un homme,