bonne volonté. On dirait que ce pauvre homme a fait tout ce que la prudence conseillait de plus excellent et qu’il a échoué, parce qu’il n’avait pas moyen de réussir ! On dirait qu’il a fallu la fatalité la plus indomptable pour mener à mal les projets de sa sagesse. Mais Juliette elle-même, en qui la folie serait plus pardonnable, Juliette devrait s’indigner. Elle devrait se réveiller pour un instant de tous ses rêves et secouer à la fois plusieurs cauchemars, en face de l’absurdité du crime qu’on lui propose.
On n’aurait pas analysé Roméo et Juliette, si l’on n’avait fait que constater en ce drame la fadeur et la froideur humaines. Il y a à côté d’elles, au-dessous d’elles, plus bas et plus profond, la fadeur et la froideur infernales. Il y a la passion de l’horrible, de l’horrible gratuit. Il y a le goût de la fatalité, adorée pour elle-même dans sa plus cruelle manifestation. Il y a cette soif de larmes et cette soif de sang qui entasse gratuitement, bénévolement, malheurs sur malheurs, pour avoir le plaisir de pleurer. Certains hommes ont un certain plaisir à accumuler des malheurs sur la tête de leur héros et surtout de leur héroïne. Mais il y a une autre volupté plus infernale qui ne se borne pas à accumuler des malheurs, qui invente des raffinements. Cette volupté-là se produit quand le poison est déjà bu depuis une minute par celui qui arriverait au bonheur à l’instant même, s’il avait attendu deux minutes avant de s’empoisonner ; ce sont les