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tés, afin que les crimes s’entassent les uns sur les autres. Et le misérable ose, en face de Juliette endormie par ses mains criminelles, faire des fleurs de rhétorique au sujet de la mort et de la jeunesse, en face d’une famille désolée, lui qui sait que la jeune fille n’est pas morte, lui qui a préparé dans le secret toutes ces inepties et toutes ces horreurs !

La sainteté de cet endormeur n’en est pas moins proclamée à la fin du drame qui finit par cette phrase charmante :

« Jamais aventure ne fut plus douloureuse que celle de la jeune Juliette et de Roméo son époux. »

Est-ce bien la peine de vivre dans une grotte, de porter l’habit que Shakspeare ne craint pas d’imposer à son personnage, pour ajouter aux folies de deux enfants une autre folie beaucoup plus noire, beaucoup plus préméditée, beaucoup plus irrémédiable ? Est-ce bien la peine de représenter la sagesse et la religion, pour faire l’invention la plus absurde et la plus impie qui soit au milieu de ces absurdités et de ces impiétés ? Comment ! ce frère Laurent, qui avoue à la fin, quand il n’est plus temps, le mariage secret qu’il a béni, a soin d’attendre, pour déclarer la chose, que toutes les plaies faites par ses mains soient devenues incurables ! Et personne ne songe à lui faire le moindre reproche ! L’abominable monceau des folies fatales qu’il a entassées reste et demeure aux yeux des personnages et aux yeux du poète l’expression suprême de la