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impossible de mesurer le tollé qui s’élèverait. Mais la signature qui est au bas des œuvres possède une vertu magique : elle change la couleur et la valeur des choses ; elle indique au lecteur bien élevé quel poids et quelle mesure il faut choisir, parmi tous les poids et toutes les mesures, pour juger l’œuvre en question.

Quant au frère Laurent, ce divin directeur de Roméo et de Juliette, ce n’est pas un prêtre, ce n’est pas un homme, c’est une caricature. Si telle eut été l’intention de Shakspeare, ce frère Laurent devrait être rangé dans la classe des grotesques, et rentrer ainsi dans le système de M. Hugo ; mais au contraire, Shakspeare a eu l’intention de réaliser en lui le prêtre. Tout le monde, dans cet illustre drame, avoue et confesse que le frère Laurent est un saint homme, qui a fait tout ce qu’il a pu, et qui n’a pas réussi. Or le procédé abominable auquel il a recours n’est pas seulement indigne d’un prêtre, d’un chrétien et d’un homme : le vice ordinaire reculerait devant lui, le crime seul peut l’accepter et l’enregistrer dans ses annales. Cette invention du narcotique n’est pas moins absurde qu’abominable. Le plus simple bon sens eût du avertir le sage et saint religieux qu’elle allait amener de nouvelles et épouvantables complications. S’il eût souhaité à tous ses pénitents la mort et le désespoir, il n’eut rien pu imaginer de mieux pour produire ce double effet. Le frère Laurent entasse absurdités sur absurdi-