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vous semble-t-elle pas avoir pour nous tous une attention bien délicate ? Elle connaît les formules de la pudeur comme Roméo celles de l’amour ; mais plus ils connaissent les formules, plus ils ignorent les réalités. Juliette est aussi inconvenante en célébrant sa chasteté que Roméo est froid en célébrant son amour.

Et Mercutio, et Benvolio et Tybald ? C’est la froideur de la querelle après la froideur de la passion. Les coups d’épée, mêlés d’exécrables plaisanteries, ne sont préparés par aucune colère. Les Capulets et les Montaigus ne savent pas plus se haïr que Roméo et Juliette ne savent s’aimer. La même froideur rhétoricienne, sophistique, alambiquée, contournée, prétentieuse, glace la haine des familles, et l’amour des jeunes gens. L’accent de la vengeance ne s’entend pas une seule fois. L’ennemi qui attaque son ennemi, dans la rue, légèrement, qui dégaine, parce que, dans ce moment-là, la fantaisie lui prend de tirer l’épée, cet ennemi-là ne connaît pas la colère. Les bonnes gens déclarent eux-mêmes qu’ils sont disposés à se battre, parce que la grande chaleur leur fait bouillonner le sang.

C’est un petit tapage d’enfants querelleurs et mal élevés, braillards et méchants. Ces petits amours et ces petites rancunes sont les entrecroisements de plusieurs petits caprices.

La colère profonde est aussi contenue que l’amour profond. Tout ce qui est profond a besoin de secret ; mais toutes ces petites ma-