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sion qu’à la raison. La passion est vive et prompte ; elle peut être exagérée, violente, folle, folle furieuse ; mais la passion de Roméo est une rhétoricienne guindée, gourmée, lente, pleine de froides, diffuses et obscures métaphores. Ce sont des jeux d’esprit, des pointes, des recherches stupides de mots et de consonances. Rien de court, rien de bref, rien de simple. Roméo semble avoir copié ses déclarations dans un livre quelconque, qui pourrait être intitulé : Le Manuel du parfait amant. Armé de sa phraséologie lente, froide, pédante et boursouflée, il met à un rude exercice l’admiration décidée et éternelle de M. Hugo. Roméo abuse de M. Hugo, et de sa patience invincible. M. Hugo a aliéné sa liberté. Roméo le traite comme un esclave. M. Hugo a promis d’admirer quand même. Il est pris au mot, et livré à une épreuve terrible. Et Juliette ? Juliette n’est pas beaucoup moins cruelle que son illustre et ennuyeux adorateur.

Elle répond :

« Tu sais que le voile de la nuit est sur mon visage. Sans cela, tu verrais une rougeur de vierge colorer ma joue, Roméo, à cause des paroles que, ce soir même, tu m’as entendue prononcer. Ah ! je voudrais m’arrêter aux formes de la décence ! Je voudrais, je voudrais nier ces mots que ma bouche a prononcés. Mais adieu, cérémonie !… »

Cette jeune fille, qui prend soin d’avertir qu’une rougeur de vierge couvre sa joue, ne