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jugé merveilleux qui enchaîne les libres penseurs.

Demandez à M. Hugo s’il admet tout ce que croit l’Église. La question même lui fera l’effet d’une insulte.

Mais parlez-lui de Shakspeare. Il vous répondra qu’il admire tout, comme une brute.

Je me garderais bien d’ajouter ce dernier mot, s’il ne l’avait ajouté lui-même ; mais la même convenance qui m’eût interdit de l’écrire, m’interdit de le retrancher, puisqu’il est écrit.

Puisque M. Hugo admire tout dans Shakspeare, il admire Roméo sous le balcon de Juliette, s’écriant :

« Mais doucement, quelle clarté jaillit de cette fenêtre ? C’est l’Orient, et Juliette est le Soleil. Lève-toi, beau Soleil, et tue la Lune envieuse ; vierge comme toi, elle pâlit de douleur à ta vue. Va ! ne porte plus ses couleurs, couleurs lugubres et maladives : c’est folie de les porter. Renonce à une maîtresse jalouse ; oublie-la, oublie-la. »

Quand un amoureux déraisonne, pourvu qu’il déraisonne sous la signature d’un célèbre écrivain, on excuse immédiatement toutes ses paroles, et l’excuse, c’est sa passion. On attribue à la passion tout ce qui n’est pas raisonnable, et on admire avec confiance le verbiage emphatique, qui, sans doute, est amoureux, puisqu’il est absurde. On ne s’aperçoit pas que cette rhétorique de bas étage est encore mille fois plus contraire à la pas-